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Description en termes héraldiques

Le blason de la commune de Cortaillod, tel qu’homologué à la fin du XIXe siècle, se décrit en termes héraldiques :

« De sinople à la croix alésée et pattée d’argent, un croissant contourné d’or brochant sur le tout. »

En d’autres mots, sur un fond vert se dresse une croix aux bras évasés de couleur blanche-argent, et un croissant de lune doré est posé par-dessus, orienté vers la gauche.

Chaque élément possède une signification particulière, tant sur le plan symbolique que dans son contexte historique :

  • La croix pattée et alésée d’argent : Il s’agit d’une croix aux extrémités évasées, dont les bras ne touchent pas les bords de l’écu. Ce type de croix, dit patté, rappelle les croix des ordres chevaleresques du Moyen Âge (par exemple la croix pattée rouge des chevaliers templiers). Dans le blason de Cortaillod, la croix symbolise avant tout la foi chrétienne et l’héritage religieux de la commune (Cortaillod est une ancienne paroisse protestante) ainsi qu’un symbole de protection. Sa teinte argent (blanc) évoque traditionnellement la pureté et la paix. La mention alésée indique que la croix est raccourcie, ses bras se terminant avant le bord du blason, ce qui est un style fréquent en héraldique pour centrer le motif sur l’écu.
  • Le croissant contourné d’or : Le croissant est figuré en jaune-or et contourné signifie qu’il est tourné vers la gauche (vu de face). Ce croissant peut s’interpréter de plusieurs façons. D’un point de vue général, la lune en héraldique est souvent synonyme d’espoir, de renouveau ou de succès croissant. Dans le contexte local, ce croissant doré est surtout remarquable parce qu’il forme presque la lettre C, initiale de Cortaillod. En effet, sur une pierre sculptée datant de 1722 et incrustée dans le mur de l’église, le croissant avait carrément pris la forme d’un « C » placé sur la croix. Cela suggère que les anciens ont vu dans ce croissant un moyen d’identifier leur village par son initiale. Le choix de la couleur or (jaune) pour la lune apporte une touche de prestige et de lumière, l’or symbolisant en héraldique la noblesse, la richesse ou la constance.
  • Le champ de sinople (fond vert) : Le fond du blason est de couleur sinople, c’est-à-dire vert. Le vert est traditionnellement associé à l’espérance, à la vitalité et aux richesses naturelles. Pour une commune viticole comme Cortaillod, on peut y voir un clin d’œil aux vignobles et aux collines verdoyantes du village. Ce choix de couleur met en valeur la croix argentée et le croissant d’or en offrant un contraste marqué. Historiquement, toutefois, il est intéressant de noter que le fond n’a pas toujours été vert dans les représentations du blason : cette couleur a été fixée plus tard (voir ci-dessous l’évolution historique), possiblement pour symboliser le paysage local ou par préférence héraldique.

Origines et évolution historique du blason

Le blason de Cortaillod puise son origine dans l’histoire locale du XVIIe siècle. Les premières traces connues de ces armoiries communales remontent à 1633 : cette date figure sur l’ancienne porte de la cure (le presbytère) de Cortaillod, où était sculpté un écu portant déjà la croix pattée accompagnée d’un croissant. De part et d’autre du blason, les gouverneurs de la paroisse de l’époque, nommés Henry et Mentha, avaient fait graver leurs initiales avec l’année 1633. Cela indique qu’à cette date, la communauté locale s’était dotée d’un emblème visuel identifiable. Sans doute à l’occasion de la construction ou de la rénovation d’un bâtiment important (l’église ou la cure) afin de marquer son identité et son patrimoine spirituel.

Au XVIIIe siècle, le blason de Cortaillod apparaît à plusieurs reprises, ce qui permet de suivre son évolution. En 1722, une nouvelle sculpture au motif du blason est réalisée pour orner le mur de l’église. Sur cette version, le croissant d’or s’inscrit directement sur la croix, formant comme mentionné un C imbriqué dans la croix. Cette stylisation souligne l’importance symbolique de l’initiale de la commune à travers le croissant. Quelques décennies plus tard, en 1761, Cortaillod fait construire un nouvel hôtel de ville (maison de commune) et en profite pour afficher fièrement ses armes sur le fronton du bâtiment. La représentation de 1761 est particulièrement riche : la croix pattée y est « pleine » (ses bras sont élargis) et porte un croissant en son centre, le tout placé dans un cartouche couronné d’une couronne ducale et soutenu par deux lions comme tenants. Ces éléments décoratifs (couronne, lions) ne font pas partie du blason officiel, mais montrent le soin apporté à la mise en scène héraldique.

Fait notable, les couleurs observées à cette époque diffèrent de celles d’aujourd’hui : les armoiries peintes en 1761 dans la salle de l’Hôtel de Ville sont décrites comme « d’argent à la croix d’azur chargée d’un croissant d’or ». Autrement dit, le champ était blanc (argent) et la croix bleue, avec le croissant doré au milieu. Ce choix de bleu pourrait avoir été influencé par les couleurs des princes de Neuchâtel de l’époque (la maison d’Orléans-Longueville, dont le bleu et l’or étaient des teintes prisées), ou simplement par l’esthétique du moment. En 1767, lors de la construction d’un nouvel abattoir communal, les autorités locales gravent à nouveau le blason accompagné des noms du lieutenant de commune et des gouverneurs en exercice, confirmant que cet emblème était bien ancré dans la vie publique.

Malgré ces variations historiques, les motifs de base, la croix pattée et le croissant, sont restés constamment associés à Cortaillod au fil des siècles. À la fin du XIX siècle, dans un contexte de redécouverte et de codification des armoiries communales en Suisse, la commune a officialisé la version définitive de son blason. Les Annales héraldiques suisses indiquent que les armoiries de Cortaillod, déjà attestées au XVII siècle, ont connu des variantes de couleurs, de forme de croix et de position du croissant, jusqu’à être fixées dans leur forme actuelle en 1881. Cette stabilisation s’inscrit dans le cadre de la loi cantonale du 5 mars 1888 qui a établi officiellement les blasons communaux neuchâtelois, confirmant ou ajustant les anciens emblèmes pour chaque localité.

À Cortaillod, on a retenu le fond sinople (vert), plutôt que le blanc ou le bleu précédemment vu, combiné à la croix d’argent et au croissant d’or placés par-dessus. Depuis cette homologation, le blason de Cortaillod n’a plus changé et reste utilisé tel quel par les autorités communales (par exemple sur les documents officiels, la papeterie, le site web de la commune, etc.), perpétuant une tradition visuelle vieille de plus de trois siècles.

Signification et patrimoine autour du blason

Le blason de Cortaillod est bien plus qu’un simple dessin : il représente une synthèse de l’identité et de l’histoire locale. Chaque élément évoque un aspect du patrimoine communal. La croix, emblème universel chrétien, rappelle que la vie du village s’est longtemps articulée autour de la paroisse et de ses valeurs spirituelles. Le choix d’une croix pattée confère en outre une allure médiévale et noble à l’écu, comme un écho aux grandes traditions chevaleresques, même s’il n’y a pas de preuve que Cortaillod ait un lien direct avec un ordre de chevalerie particulier, l’imaginaire collectif y voit volontiers un symbole de protection et de foi solide.

Le croissant d’or, quant à lui, singularise immédiatement le blason par sa forme et sa couleur. Au-delà de sa fonction potentielle d’initiale « C » de Cortaillod, il peut aussi évoquer le cycle lunaire et la notion de renouveau. On peut y lire le symbole d’une communauté qui a traversé les âges en se renouvelant, ou qui, comme la lune croissante, aspire à prospérer. Sur le plan religieux, certains y voient également une référence mariale (dans l’iconographie catholique, la Vierge est parfois représentée avec un croissant sous ses pieds symbolisant la lune), hypothèse toutefois moins pertinente dans un contexte protestant. Il est plus probable que le croissant ait été choisi initialement pour son esthétique et comme clin d’œil au nom du village, puis interprété a posteriori de diverses façons.

Il est intéressant de noter que Cortaillod n’a pas emprunté son blason à une famille noble, à la différence de certaines communes voisines. Par exemple, la commune de Colombier arbore la croix et les colombes des armes de ses premiers seigneurs, la famille de Colombier, éteinte au XVe siècle. Cortaillod, en revanche, a vraisemblablement créé son propre emblème communal. Les archives neuchâteloises ne signalent pas de « seigneurie de Cortaillod » distincte dont on aurait repris les armoiries; le village dépendait autrefois de la châtellenie de Boudry, mais son blason est une invention locale originale. Ce blason « parlant », puisqu’il intègre la forme d’un C, était une manière pour les habitants d’afficher leur identité propre au sein du canton de Neuchâtel.

En résumé, le blason de la commune de Cortaillod, avec sa croix argentée sur champ de sinople et son croissant d’or, est le fruit d’un riche héritage historique et symbolique. Né au XVII siècle et officialisé en 1881, il marie la foi religieuse des ancêtres (la croix), la géographie et la fertilité du terroir local (le vert du fond, évoquant les vignes et les paysages), et l’identité même du village (le croissant en forme de C d’or qui le surmonte). Vulgarisé, on pourrait dire que ce blason raconte l’histoire de Cortaillod en images : un village qui, sous le signe de la croix, a grandi et prospéré (comme une lune ascendante) entre lac et collines verdoyantes. Cet emblème, fièrement affiché de nos jours encore, permet aux habitantes et habitants de Cortaillod de se reconnaître et de se souvenir des valeurs et des événements qui ont façonné leur communauté au fil du temps. 

Sources :

Les informations ci-dessus proviennent :